Quels Salésiens pour les Jeunes d’aujourd’hui? Lettre de convocation du Chapitre Général 28
Durant la session plénière du Conseil Général, nous avons réfléchi sur le prochain Chapitre Général dont nous avons déjà communiqué le titre et le parcours de préparation. Immédiatement après, j’ai consacré personnellement du temps pour reprendre le contenu des derniers Chapitres Généraux depuis 1972, avec la tenue du Chapitre Général Spécial (CG 20) qui a marqué un point fixe dans l’histoire du renouveau de notre Congrégation après le Concile Vatican II, jusqu’au dernier Chapitre qui a eu lieu en 2014. Il s’agit donc de quarante-deux années de la vie de l’Église et de la Congrégation au cours desquelles se sont succédé huit Chapitres Généraux.
Nous arrivons maintenant au temps de l’annonce et de la préparation du CG 28 qui sera, sans aucun doute et une fois de plus, « le signe principal de l’unité de la Congrégation dans sa diversité », comme l’affirment nos Constitutions.[1]
Selon la dynamique propre de chaque Chapitre Général, nous nous retrouverons comme confrères salésiens du monde entier face au défi de revoir notre fidélité au Seigneur, à l’Évangile et à Don Bosco, « sensibles aux besoins des temps et des lieux », nous laissant guider par l’Esprit Saint afin de connaître la volonté de Dieu en ce moment de l’histoire.[2]
En cette solennité de Marie Auxiliatrice, depuis Turin et avec une joie profonde, je vous fais parvenir cette lettre par laquelle je convoque, selon l’article 150 de nos Constitutions, le CG 28. Il aura pour thème : Quels salésiens pour les jeunes d’aujourd’hui ? Le Chapitre se tiendra au Valdocco (Turin) où nous retournerons, à soixante-deux ans du dernier Chapitre Général qui y a été célébré, dans le même lieu saint salésien où Don Bosco a vécu et fondé notre Congrégation. Ce sera un véritable don que de nous rencontrer avec notre Père Don Bosco et de nous sentir vraiment à la maison, là où, « charismatiquement », nous sommes tous nés comme Salésiens de Don Bosco.
Le Chapitre Général s’ouvrira le dimanche 16 février 2020, avec la célébration solennelle de l’Eucharistie en la Basilique Notre Dame Auxiliatrice ; nous pensons conclure les travaux le 4 avril 2020, veille du Dimanche des Rameaux. Le Chapitre Général durera donc sept semaines.
Comme Régulateur, j’ai nommé le Père Stefano Vanoli qui assume généreusement la responsabilité d’accompagner la préparation et le développement de notre Chapitre Général.
Le thème choisi est le fruit d’une réflexion vaste et approfondie du Conseil Général qui a tenu compte des orientations actuelles de l’Église et du Pape François, spécialement des deux Synodes des Évêques sur la Famille et de la préparation de celui qui se tiendra en octobre 2018 sur « Les Jeunes, la Foi et le Discernement Vocationnel ».
Le Conseil Général a aussi relevé certaines questions que la connaissance toujours plus profonde de la Congrégation a permis d’identifier, notamment à partir des Visites d’Ensemble et des Visites Extraordinaires, ainsi que de la vision que chaque Conseiller a pu avoir de la réalité de la Congrégation, et que j’ai moi-même mûrie après étude et les visites que j’ai effectuées jusqu’à présent dans soixante-trois Provinces.
Cette vision de la Congrégation nous a permis de souligner, ainsi que je l’expliquerai plus amplement dans cette lettre, l’urgence de concentrer notre attention sur la personne du Salésien qui, comme homme de Dieu, consacré et apôtre, doit être capable de se mettre pleinement en harmonie avec les adolescents et les jeunes d’aujourd’hui et avec leur monde pour les éduquer et les évangéliser, les préparer à la vie et les accompagner à la rencontre avec le Seigneur. En même temps, nous œuvrons avec la ferme conviction de ne pas avoir seuls la responsabilité de cette mission et de ne pas pouvoir l’exercer sans la collaboration d’autres forces.
Le thème est unique et s’articule selon trois noyaux :
Priorité de la mission salésienne parmi les jeunes d’aujourd’hui
Profil du Salésien pour les jeunes d’aujourd’hui
Ensemble avec les laïcs dans la mission et dans la formation
Au thème proposé, qui sera sans aucun doute une riche opportunité et un temps de grâce et d’espérance pour notre Congrégation, le Chapitre Général devra aborder certains aspects de caractère juridique qui sont importants pour la vie des Provinces, comme, par exemple, l’évaluation du Secrétariat pour la Famille Salésienne constitué lors du précédent Chapitre Général.
Une autre tâche sera l’élection du Recteur Majeur et des membres du Conseil Général pour le sexennat 2020-2026. Les membres du Chapitre Général accompliront ce service en faveur de l’unité et de la fidélité au charisme de Don Bosco ; et les confrères, de toutes les parties du monde salésien, accompagneront certainement de leur prière ce moment si important pour notre Congrégation.
La « Commission technique », nommée aux termes de l’article 112 des Règlements, a déjà travaillé avec le Régulateur pendant la session du Conseil Général et les jours suivants, pour préparer un calendrier des travaux pour les Provinces, afin que tout se passe de la manière la plus convenable possible concernant les échéances et les contributions qui pourront être présentées.
Fort probablement, les réponses des Provinces sur certains aspects de leur vie et sur les éléments juridiques qui s’y rapportent réclameront du CG 28 lui-même une nouvelle vérification, eu égard à certaines structures d’animation et de gouvernement central de la Congrégation et des Régions.
1.3. Objectif fondamental du thème
L’objectif fondamental du thème du CG 28 est d’aider toute la Congrégation à approfondir, autant que possible, quel est et quel devrait être le profil du Salésien capable d’apporter des réponses aux jeunes d’aujourd’hui, à tous les jeunes, spécialement les plus pauvres et les plus désavantagés, les exclus et les rejetés [les « déchets »], les plus fragiles et ceux qui sont privés des droits fondamentaux. Et ce, dans un monde de plus en plus complexe et qui expérimente des changements rapides.
La réalité actuelle réclame des Salésiens consacrés-apôtres préparés et prêts à vivre leur vie dans l’esprit et avec le cœur de Don Bosco, dans cette Église et cette société, désireux de partager, de se dépenser et de donner leur vie pour les jeunes du monde d’aujourd’hui avec leurs langages, leurs visions et leurs centres d’intérêt propres. Nous pouvons rencontrer nombre de ces jeunes dans les maisons salésiennes ; mais d’autres, plus nombreux encore, habitent d’autres « terrains de jeu » [cortili] du monde.
Ce qu’affirmait en son temps le CGS, parlant de l’unité de la vocation du Salésien, résonne aujourd’hui comme une prophétie : « La redécouverte de cette unité de notre vocation mettra en pleine lumière notre « identité » salésienne et rendra possible la venue de ce nouveau type de Salésien qu’appellent les signes des temps. »[3]
« Ce nouveau type de Salésien qu’appellent les signes des temps » mettra aussi en évidence ce sur quoi l’on a réfléchi lors du CG 24 (19 février-20 avril 1996) mais qui n’a pas été suffisamment assimilé. Le fait que des centaines de milliers de laïcs font maintenant partie des présences salésiennes dans le monde entier demande au Salésien une nouvelle ouverture d’esprit et de cœur pour le bien de la mission salésienne dans le monde. Ce n’est qu’en partageant la mission que nous pourrons apporter les meilleures réponses sans décevoir les adolescents et les jeunes d’aujourd’hui et de demain qui ont tant besoin de nous.
1.4. Quelques questions que nous pourrons nous poser
Sans doute existe-t-il des confrères qui pensent que, puisque nous avons tous l’Évangile comme règle de vie chrétienne et Don Bosco comme Père et Fondateur de notre Congrégation, et puisque nous professons les mêmes Constitutions, où la mission salésienne est clairement définie, nous n’avons pas à nous demander quel doit être le profil du Salésien que l’Esprit réclame aujourd’hui pour une authentique mission parmi les jeunes et avec eux, dans un monde si nouveau et si changeant. Nous devons cependant reconnaître franchement, comme on le perçoit dans beaucoup de Provinces, que la réalité apparaît beaucoup plus complexe et diversifiée que l’on pense. Cette réalité n’est ni uniforme ni simple. C’est pour cela que nous trouvons des situations opposées entre elles qui nous poussent à avancer dans la direction d’une plus grande radicalité, d’un plus grand courage, d’une plus grande clarté et même d’une plus grande purification, à la lumière de l’Évangile et de la fidélité de notre Congrégation au charisme reçu du Saint Esprit en Don Bosco.
Dans cette réalité complexe et diversifiée, une majorité de confrères vivent dans un total dévouement et une totale harmonie avec les jeunes, leur monde et leurs réalités. Il y en a d’autres qui sentent que ce monde des jeunes et les jeunes eux-mêmes ne leur sont plus accessibles.
La majeure partie des confrères vivent très clairement et de façon décisive pour les plus pauvres et les plus défavorisés, avec une option marquée pour ceux qui expérimentent chaque jour que leur dignité est foulée aux pieds et violée ; d’autres confrères se réfugient dans des espaces de vie commodes et confortables.
La majeure partie des confrères vivent le ministère presbytéral comme Don Bosco qui était prêtre, toujours et partout, pour ses enfants et ses jeunes ; alors que d’autres sont très influencés par une forte tendance au cléricalisme qui fait tant de mal à l’Église elle-même et dont nous ne sommes pas exempts.
De nombreux confrères vivent dans un total désintéressement, une totale sobriété, austérité et générosité le service des autres, particulièrement de nos destinataires privilégiés ; mais il y en a d’autres qui perdent le sens de leur identité et de leur liberté de religieux consacrés en s’impliquant dans des dynamiques de recherche du pouvoir, qui est souvent liée à la recherche de l’argent et d’autres intérêts.[4]
La majeure partie des confrères, avec une authentique passion et une véritable affection, traduisent dans leur vie de chaque jour ce que déclarait Jean Cagliero : « Frère ou pas frère, moi je reste avec Don Bosco ».[5]D’autres confrères, au contraire, par manque réel du sens de leur identité salésienne, demandent à quitter la Congrégation pour vivre, non pas comme religieux consacrés apôtres, Salésiens de Don Bosco, mais uniquement pour exercer leur ministère presbytéral dans des diocèses où ils avaient pensé pouvoir se trouver bien ou être simplement accueillis.
Il se trouve des confrères qui ont compris et vivent la mission partagée avec les laïcs comme un grand don pour la mission. Mais beaucoup d’autres font preuve d’une profonde résistance ou refusent carrément. Ils acceptent volontiers que les laïcs soient nos salariés mais ils refusent de partager au même niveau, côte à côte, la mission et ce qu’elle comporte.
La majeure partie des jeunes confrères, durant les étapes de leur formation, rêvent d’engager toutes leurs forces en faveur des jeunes vers qui ils seront envoyés,[6] préparant leur cœur, leur esprit et vivant leur formation intellectuelle en vue de cet objectif. Et puis on voit d’autres confrères qui rêvent, au contraire, de charges, de responsabilités qui leur donneraient une autorité et « une certaine position ».
Notre réalité, faite de contrastes, de lumières et d’ombres, attend de nous la même chose que le Pape François, avec son langage clair et direct, a demandée à toute la Famille Salésienne et que je sens aujourd’hui particulièrement adressée à nous : ne pas décevoir les aspirations profondes des jeunes. Voici ce que dit le Pape : « Que Don Bosco vous aide à ne pas décevoir les aspirations profondes des jeunes : leur besoin de vie, d’ouverture, de joie, de liberté, d’avenir ; leur désir de collaborer à la construction d’un monde plus juste et plus fraternel, au développement pour tous les peuples, à la protection de la nature et des milieux de vie. À son exemple, vous les aiderez à expérimenter que c’est seulement dans la vie de grâce, c’est-à-dire dans l’amitié avec le Christ, que l’on actualise pleinement les idéaux les plus authentiques. Vous aurez la joie de les accompagner dans leur recherche de synthèse entre foi, culture et vie, dans les moments où se prennent les décisions qui engagent, quand on cherche à interpréter une réalité complexe. »[7]
Source : sdb.org








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